Blog de la Ligue des Droits de l'Homme de la Section 08000 Charleville-Mézières
dimanche 25 novembre 2012
Les Fusillés pour l'exemple
INTERVENTION- REVIN-11/11
A l’heure des préparatifs de la commémoration du centenaire des débuts de la
première guerre mondiale, plusieurs de
ses épisodes restent toujours plus ou moins méconnus ; aussi dans la perspective des hommages relatifs à cette célébration, nombreux
sont les citoyens qui souhaitent progresser vers une connaissance complète de
tous les aspects de ce conflit. et vers une réflexion critique sur ce dernier.
Nombreux, en particulier, sont les républicains qui veulent
que soient rétablis dans leur honneur des soldats qui ont été victimes de
jugements militaires expéditifs soit
disant pour refus d’obéissance, automutilation, désertion ou autres motifs
et ce sans enquête préalable sérieuse et
équitable.
Il n’est pas inutile de rappeler dans quel contexte se sont
déroulés ces faits qui font tache sur le rôle de l’armée française de l’époque.
Cette guerre, qualifiée de totale, a provoqué une horrible hécatombe : une
quinzaine de pays partagés en deux camps se
sont affrontés, 60 millions de soldats y ont pris part. Elle a causé 9 millions
de morts, 20 millions de blessés dont 8 millions sont restés invalides. La France a été le pays le plus touché
avec 1 million 400 mille morts. Cette guerre industrielle a vu
l’écroulement de trois empires, l’effondrement de l’économie mondiale en
particulier celle de l'Europe . Cette dernière ne s’en remit pas puisque 20 ans
après, incapables de régler par la négociation de nombreux contentieux, les
mêmes belligérants reprirent les hostilités.
Aujourd’hui, nous sommes réunis pour évoquer un des chapitre
les plus révoltants de cette guerre : l’assassinat de soldats qui furent
fusillés par la volonté de conseils de
guerre réclamés par les autorités militaires et ce dans les deux camps. Ainsi
furent instaurés des tribunaux d’exception particulièrement inhumains qui
éliminèrent des soldats de leur propre pays. Il y eut 600
fusillés dans l’armée française, 350
dans l’armée britannique, 750 dans celle d’Italie, des centaines dans les
troupes russes. Ils furent aussi des centaines dans l’armée allemande,
celle-ci refusant d’en révéler le nombre exact.
A ces crimes il faut ajouter les exécutions , probablement plus nombreuses, celles de
soldats considérés comme fuyards alors qu’ils étaient tout simplement emportés
dans la tourmente. Et n’oublions pas non plus les exécutions sommaires dans les
troupes coloniales dont les archives
révèlent le tirage au sort de dix hommes à exécuter "pour l'exemple".
Restent à lever les inconnues qui entourent les 140 000 jugements
prononcés par les tribunaux militaires dont 2 500 condamnations à mort, plus
de 600 étant cruellement appliquées, les autres étant commuées en travaux
forcés ou en travaux publics dans les colonies.
Si la Grande Bretagne, l’Australie, la Nouvelle- Zélande, le
Canada réhabilitèrent ou rendirent hommage à leurs soldats fusillés, la France, à l'exception d’une
cinquantaine de réhabilitations accordées au compte -goutte comme celle
octroyée, hier à AMPUIS, au sous-lieutenant CHAPELANT exécuté sur son brancard,
La France n’a toujours pas à ce jour, rendu l’honneur que méritent plus de 600 poilus sur qui pèse toujours
injustement l’indignité nationale.
Aussi, les organisations pacifistes, qui luttaient depuis des
dizaines d’années pour une réparation
collective à l’égard de ces derniers, enregistrèrent-elles avec une grande satisfaction le discours de
Lionel JOSPIN qui déclara à Craonne le 11 novembre 1998 : « Que
les soldats fusillés pour l’exemple , épuisés par des attaques condamnées à
l’avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir
sans fond, et qui refusèrent d’être sacrifiés victimes d’une discipline dont la
rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui
notre mémoire collective »
Ces diverses organisations reprennent à leur compte le contenu de ces
propos, et dans la continuité des luttes passées réclament à la République française, comme l’a exprimé le conseil général de
l’Aisne à l’unanimité, la reconnaissance des soldats condamnés pour l’exemple,
comme des soldats de la grande guerre à part entière, de façon à permettre que
leurs noms puissent être légitimement inscrits sur les monuments des communes
de France à la demande des associations et collectivités concernées mais
surtout à la celle des familles qui ont dû subir l’opprobre public et qui n’ont
de cesse de vouloir effacer la honte d’avoir eu un père, un frère, un époux
condamné pour lâcheté
Si nous sommes réunis en ce jour du 11 novembre 2012, ce
n’est pas pour nous complaire dans un certain passéisme douloureux mais parce
que nous sommes les héritiers de ces femmes et hommes qui, à l’image de Jean
JAURES, oeuvrent pour que les peuples ne
plongent pas dans d’irrémédiables affrontements fratricides. Si, en Europe,
nous avons connu 60 ans de paix, en dehors des soubresauts de la fin du
colonialisme et de dissensions ethniques locales dues à des redistributions territoriales, nous savons aussi que rien n’est acquis définitivement. Des
fauteurs de guerre, il en existe toujours ! les crises économiques
engendrant un ferment favorable à des conflits armés. Restons vigilants,
continuons à lutter pour essayer de prévenir toute forme de guerre,
Chers amis, nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine,
pour voir comment inscrire notre action dans la perspective du centenaire de
1914, mais surtout pour faire le point sur l’avancée de notre combat afin que
le vote par le parlement d'une loi de
réhabilitation collective des fusillés aboutisse dans les meilleurs délais. Nous ne nous
contenterons pas d’une simple déclaration présidentielle !
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